Vous me croyez pas ? Pas de souci, j’ai l’habitude. Lisez ceci et n’hésitez pas à venir me contredire sur FB, j’ai ptet loupé des épisodes.
La Sacem c’est donc une société privée créée et détenue par les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique depuis 1851. Le jour où les mecs ont réalisé que les artistes interprètes pouvaient se faire rémunérer pour leurs concerts, tandis que eux écrivaient des chansons et des musiques gratuitement. Ils se donc dit « vas-y on crée une structure à laquelle on confie la gestion de l’utilisation payante de nos œuvres. En mutualisant tout notre catalogue, on va pouvoir se payer des avocats, des flics etc et l’ordre régnera ». En gros.
Un siècle et quelques plus tard, la Sacem perçoit des droits sur la billetterie des festivals, sur les plate-formes de streaming, le pressage de CD, et envoie même des factures au boucher du coin qui sonorise son commerce avec Fun Radio. Tout cela est vécu de diverses manières que nous allons essayer de voir rapidement.
- Un festival qui programme Jain ou Sylvie Vartan trouve généralement assez logique de payer la Sacem, car c’est l’organisme qui va rémunérer (modulo 17% de frais de fonctionnement et de prélèvements à la source pour la mutuelle des auteurs) les gens qui ont écrit, composé, édité le répertoire interprété ensuite par Jain et Sylvie. Car l’interprète n’écrit pas toujours sa propre musique. Et dans le cas – courant – où il se trouve que l’interprète est l’auteur, bingo, celui-ci va toucher ses droits d’auteur en plus de son cachet d’interprète.
- Un petit festival est parfois plus réticent car les artistes qu’il programme ne sont pas toujours sociétaires de la Sacem – par exemple s’il s’agit d’artistes amateurs ou de répertoires traditionnels ou improvisés. Dans ce cas, il est possible d’en aviser la Sacem au moment de la contractualisation, qui va se contenter de facturer la part de droits proportionnelle à la part de répertoire Sacem dans le festival entier – potentiellement, rien du tout. Négociez bien, c’est votre boulot.
- Un artiste est souvent dégoûté de devoir payer de la SDRM sur un pressage promo pour son groupe. Pourtant, s’il est l’auteur de ses œuvres, il va récupérer sa mise, moins les 17% certes. S’il s’agit d’un album de reprises, il s’agit là de la rémunération des mecs dont il reprend le travail. Si le disque ne contient pas de répertoire Sacem, il n’y aura rien à payer.
- Enfin, le commerce du coin est souvent dégoûté (lui aussi) de devoir payer un forfait Sacem alors que ça lui paraît n’avoir aucun rapport avec son activité. Dans ce cas, il lui suffit de ne pas mettre la radio dans son commerce, voire – encore plus fort – de mettre une webradio libre de droit. Bon, y’aura plus ni Johnny ni Renaud, mais l’avantage c’est qu’on ne les engraissera plus non plus.
Ceci étant posé, allons droit au problème de fond : le monopole de fait. Tous ces coquins d’auteurs (de Bézu à Sauvage FM) s’entêtent à se fédérer dans une même et unique société d’auteurs, parce qu’elle est fat et donc puissante. Certains rêvent de casser ce monopole pour qu’une myriade de sociétés naissent, et qu’on puisse négocier des droits moins élevés avec certaines en faisant jouer la concurrence. Genre vous la Société des Auteurs de Ghetto Folk, on vous propose un forfait 10 fois moins élevé que celui qu’on paie à la vraie Sacem – et vous allez signer parce que vous avez faim. Ou vous, les Compositeurs de Dubstep, on vous propose de ne prélever vos droits que sur telle plate-forme spécialisée, parce qu’on vend peu de dubstep sur iTunes vous comprenez c’est galère.
Ce qu’on voit apparaître en filigrane de cette solidarité – fût-elle de fait – c’est ce qu’on appelle une gestion collective. Tout comme l’assurance-chômage ou la sécurité sociale, les droits d’auteurs sont gérés collectivement. Parce que si vous tentez de gérer ça individuellement, vous n’avez que votre propre pouvoir de négociation, et l’utilisateur de votre travail peut très facilement faire jouer la concurrence. Sachant qu’il n’a pas toujours un besoin impérieux de votre travail : votre collègue et concurrent qui fait une musique similaire pourrait aussi faire l’affaire sur son affiche. Et en faisant jouer la concurrence dans un milieu aussi éclaté que celui des auteurs de musique, il lui serait facile de ne rien payer.
Par exemple, et pour faire l’analogie avec les interprètes, on vous contacte pour jouer dans une salle en première partie d’un artiste national. On vous propose 500€ pour un groupe de 4. Si vous refusez, un autre groupe acceptera probablement. La pression joue à la baisse sur la rémunération des artistes. Dans le cas des droits d’auteurs, ce mécanisme retors est impossible car l’interlocuteur unique est la Sacem, quelque soit le répertoire utilisé. Et le tarif ne dépend pas des œuvres utilisées (jouer du Goldman ou du Basile Bolide coûte strictement le même prix), donc ne permet pas de tarif à la tête du client ou du fournisseur – un genre de « neutralité du net » appliquée à la répartition des droits d’auteurs.
Pour filer l’analogie, on pourrait imaginer une Société des Groupes de Rock Indé, qui compterait par exemple 500 groupes. A un moment, ça deviendrait compliqué pour un organisateur de festival de rock indé de se passer des services d’une telle société, sauf à changer de style musical. Le voilà donc contraint d’accepter les tarifs proposés par la société pour un groupe de 4 musiciens en première partie d’un artiste national (genre, 1000€). Lesquels tarifs n’ont pas intérêt à être démentiels, sinon la scène entière meurt. Et les auteurs ont intérêt à fliquer leur Société et ses dirigeants pour éviter les abus. Le cas échéant, il leur suffira de virer ces dirigeants pour en mettre des plus réglo.
Toutes proportions gardées, c’est ce qui se passe avec la Sacem. Et si beaucoup d’utilisateurs aimeraient pouvoir éviter de payer la Sacem, peu sont prêts à se passer de la musique du répertoire Sacem. Normal, ce répertoire contient 100% de la musique industrielle depuis 1851. Combien de bars rock sont prêts à ne plus diffuser AC/DC ? Combien de bars latino sont-ils prêts à snober Juanes ? Combien de plate-formes sont prêtes à ne plus nous montrer Rihanna en train de se frotter chépaoù ?
Pour nous indépendants, la Sacem est donc un outil qui permet de bénéficier du monopole de la musique industrielle pour en retirer quelque menue monnaie, à hauteur de notre diffusion. Étonnant, n’est-ce pas ?
Vient alors le plus gros reproche qu’on entend au sujet de la Sacem : elle engraisse les gros. Oui elle engraisse les gros, parce que les gros sont ultra diffusés. Leur musique est la plus écoutée, que cela nous plaise ou non, à nous les petits. La Sacem tente, au fil des (r)évolutions technologiques, de garantir une rémunération proportionnelle (via un système de répartition) pour chaque chanson interprétée, qu’il s’agisse d’un mégatube ou d’une maquette obscure. Mais ce n’est pas de la faute de la Sacem si votre maquette ne tourne pas en boucle sur la FM.
D’ailleurs, des dispositifs d’aide existent (financés sur les fameux 17%) pour accompagner des artistes émergents sur la base de critères de professionnalisation. On pourrait débattre de l’efficacité de ces aides, mais il paraît ardu de défendre l’idée d’une réforme générale des règles de répartition pour essayer d’avantager certains artistes au détriment d’autres. Se poserait notamment la question des critères d’appréciation. Et un tel système serait facilement contourné par les artistes non-émergents de toute façon.
Aujourd’hui encore, bon nombre d’artistes ont certes intérêt à fonctionner sans Sacem. Notamment s’ils ne font pas assez de concerts ou de streams pour rentabiliser le temps passé à comprendre le fonctionnement de la gestion collective, ses procédures de dépôt, les frais d’inscription, etc. Ou bien s’ils jouent majoritairement dans des lieux qui ne sont pas redevables de la redevance. Ou encore s’il doivent entretenir une image non-conformiste incompatible avec l’adhésion à un organisme aussi souvent attaqué sur le web que la Sacem.
Pour tous les autres, ce n’est plus qu’une question de temps avant de réaliser que :