Ou presque.
A une époque assez lointaine pour que pratiquement aucun d’entre nous ne l’ait vraiment connue, l’artiste indépendant vivotait de ses concerts et de la vente de disques. Plus il faisait de concerts, plus il vendait de disques, et plus le disque tournait, plus l’artiste remplissait les caf’conc’ et les petits festivals. Tout allait pas pire.
Deux événements récents, liés au numérique, vinrent tout foutre en l’air :
– le budget culturel des ménages et des jeunes s’est réorienté vers les jeux vidéos, puis les smartphones et les accessoires qui vont avec ;
– Spotify et consorts apparurent, créant un écosystème parallèle dédié à la musique industrielle et enfin débarrassé des musiques concurrentes.
Moui car le numérique induit d’importantes économies d’échelle (que j’oserais qualifier de disruptives) et une logique de winner-takes-it-all qui font que les productions indépendantes, par nature porteuses de diversité, n’ont aucune chance de survie dans ce nouveau marché. On capitalise que dalle.
Exemple tout frais, un groupe se félicitait ce matin sur un post sponsorisé d’avoir atteint les 500 000 streams sur Spotify pour son premier single, et ce alors que leur page FB ne compte qu’à peine 2000 fans. Miracle du buzz ? musique géniale ? Que nenni : la major à la manœuvre a simplement acheté des places en playlist. Vous n’y croyez pas ? Regardez ça.
500 000 plays coûtent donc 5000€, et 5000€ pour une major c’est une blague, rappelez-vous de l’époque où fallait faire de la bonne musique, ça coûtait beaucoup plus que 5000€.
Mais alors pourquoi Spotify n’empêche pas ça ? Déjà parce qu’ils ne savent peut-être pas le faire. Ensuite parce que la valeur de leur boîte dépend directement du trafic qu’ils revendiquent.
Bref, les années passent et nous sommes encore et toujours en train d’essayer d’agréger les quelques rebelles encore prêts à mettre 10€ dans un disque ou une place de concert. Le côté chouette, c’est que cela nous oblige à une intransigeance artistique. Ce renversement logique a d’ailleurs inspiré une de nos punchlines : Survie & Conséquences, notre travail n’étant rien d’autre que l’illustration musicale de notre survie en tant qu’artistes – voire en tant qu’humains. Ça peut paraître chelou mais c’est très concret.
D’ailleurs vous pourrez vous faire une idée plus précise en venant nous rencontrer à l’occasion de notre premier Congrès, mardi 16 janvier. On paie le resto et on fomente sec.
Faut se méfier de l’eau qui dort, surtout quand elle dort pas.