Faisons l’hypothèse folle que pratiquement aucun concert n’ait lieu dans les 12 mois qui viennent. Ha ha je sais c’est débile. Dès lors, comment une méta-équipe de 50 artistes et techniciens peut-elle collectivement 1. survivre, 2. réinventer son modèle, 3. continuer de faire son taf dans un contexte tout neuf ?
- Survivre
On a déjà évoqué cet aspect immédiat dans nos communications de crise précédentes : c’est pas encore gagné, et on connaît pas encore l’étendue des projets qu’il faudra éventuellement saborder. On attend une réponse importante voire vitale dans les prochains jours pour un prêt d’urgence de la Banque, garanti par Bpifrance. Si ça marche pas ou si c’est pas suffisant, on va sortir les ciseaux et ça va chialer sec. Bref les dés sont jetés, là il va falloir s’en remettre à votre team admin et croiser tout ce que vous avez en double.
- Réinventer notre modèle
Clairement : il faut se préparer dès maintenant à repenser notre stratégie générale qui consiste, pour l’essentiel de nos équipes artistiques, à investir des dizaines de milliers d’euros dans des disques produits, pressés, distribués, promus, et censés nous permettre de trouver des concerts pour y vendre ces mêmes disques et ainsi générer doublement des droits.
Voici les quelques pistes sur lesquelles on commence à travailler.
- Un modèle plus que jamais orienté petites jauges
Les petites jauges on sait faire, c’est pour beaucoup d’entre nous notre terrain de jeu privilégié. Dans l’éventualité d’un déconfinement progressif, il est possible qu’on puisse refaire des concerts à 50 / 100 / 200 personnes bien plus vite que des concerts à 500 / 1000 / 2000 personnes. Comment repenser notre activité dans ces termes ? Par exemple, est-ce que les concerts vont devenir un luxe à 20€ l’entrée pour être viables économiquement ?
Ha ha allez avoue, t’étais pas rendu là si ?
- Internet nous sauvera tous
Jouer sur Facebook ou Youtube, c’est fondamentalement autre chose. Cela met en jeu des compétences que l’on possède déjà (jouer de la musique, mettre en place un livestream, animer une communauté) mais dans un contexte économique GAFA-incertain. On entre en plein dans la guerre de l’attention et du clickbait, le truc qu’on parvenait à peu près à éviter jusqu’ici. Comment faire ça efficacement ? Comme Macron, deviendrons-nous des youtubeurs ?
- Ableton nous sauvera tous
Encore une tendance lourde : le home-studio et la MAO. Pareil, on a pas attendu une pandémie pour s’y mettre, mais on a encore quelques mohicans qui font de la résistance. Vont-ils un jour retourner dans un studio à 5000 balles pour y faire des pains qu’ils auront pas le temps de faire éditer par l’ingénieur du son fourni avec ? Que faire d’un batteur ou d’un trompettiste confiné dans un appartement ?
- Investissements annexes
Chez Vlad, on a une tradition d’investissement sur des projets directement liés à notre cœur de métier :
- on a mis en place une chaîne de production 100% analogique en Région Pays de la Loire,
- on a développé un thème Wordpress pour les musiciens, qui est en cours de déploiement,
- on travaille sur des outils data pour continuer à penser le monde sans la musique industrielle,
- on travaille sur une structuration rennaise avec des bureaux tout neufs : on pensait y mettre 40 stagiaires chargés de trouver des concerts, peut-être qu’on devra y mettre 40 stagiaires qui envoient des invitations d’ami sur Facebook ?
On va organiser le redéploiement d’une partie de nos équipes sur ces sujets. Venez ! Restez pas tout seul avec votre basse !
- Continuer de faire le taf
Au départ, avant qu’on remplisse des liasses fiscales et des demandes d’aide à l’ASP, on est des artistes. Ça veut dire qu’on est tout à fait qualifiés pour imaginer des choses qui n’existent pas encore, les représenter et les montrer. Dans un contexte post-COVID19, continuerons-nous à produire la même musique qu’avant ? Intuitivement, on sent bien que si la jauge 100 personnes devient le standard, cela pourra avoir un impact sur nos spectacles, et probablement sur nos musiques. Et si on se met à jouer de la musique sur Youtube, ça sera peut-être pas de la gavotte.
Parmi les paradoxes amusants, notons que quatre mois avant le bordel, on finalisait la création d’un nouveau label moins festif et dansant, et davantage axé sur le texte, en français, pour des productions à écouter plutôt qu’à danser. On commençait à travailler une ligne artistique pré-effondrement qui s’est avérée sinistrement urgente depuis. Pas grave, au moins tout est prêt ! On fera une belle annonce bientôt.
On a toujours défendu une musique du monde démuséifiée, une electro expérimentale, un punk conscient : la crise sanitaire actuelle va certes secouer nos structures et éprouver notre modèle, mais l’erreur la plus grave serait de sauver notre économie au détriment de notre art. Survivre au coronavirus pour décéder en 2021 ou 2022 parce qu’on n’a pas su s’adapter artistiquement ce serait quand même super con. Le monde change et on voit pas bien comment on pourrait y garder notre place en continuant perpétuellement à produire de la musique de 2019.
On sait faire.
Au boulot !
Roro