Revue de presse /// Les musiciens dans la révolution numérique

Comme promis, j’ai lu pour vous « Les Musiciens dans la révolution numérique« . Vous pouvez le lire vous aussi, hein. Dans le cas contraire, voici quelques éléments qu’il peut nous être utile de connaître, nous autres punks/profanes/bouseux/wannabe, comme vous voulez.

Il s’agit de l’analyse d’une enquête menée en 2008 auprès d’un large échantillon d’artistes et musiciens interprètes membres de l’ADAMI. J’en connais déjà un paquet parmi vous qui ne savent pas ce que c’est que l’ADAMI (renseignez-vous, ils ont peut-être du pognon à vous sur leur compte en banque), et c’est statistiquement peu surprenant puisque 72% de l’échantillon a 40 ans ou plus. Bref, vous vous inscrirez plus tard j’imagine.
Voici donc une sélection de points intéressants, d’après moi.

1. L’échantillon se répartit entre les genres musicaux suivants :
Classique, lyrique : 19%
Jazz, blues : 10%
Musique du monde : 15%
Pop, rock : 19%
Chansons, variété : 28%
Nu-manele, moombahton : 0%
Illustrateurs sonores et autres : 9%

Au passage, rappelons que l’ADAMI collecte des fonds notamment sur la copie privée. Par exemple, quand tu achètes une clé USB (et il paraît qu’il s’en vend quelques-unes chaque jour), des sous partent vers l’ADAMI, puis après quelques commissions diverses et cordiales vers les artistes membres. Combien ? Oh, genre 11 millions par an. A lui tout seul et ses sept cents disques durs externes, Captain Cumbia a probablement permis de financer la moitié du budget des prises de batterie du dernier Nolwenn Leroy, respect ! Ceci dit, les prises sont bien clean.

2. Critère intéressant, les auteurs ont demandé aux sondés s’ils revendiquaient plutôt :
– connaître et appliquer de façon créative des règles complexes de composition ou d’interprétation,
– chercher à plaire à leur public (et éventuellement à l’éduquer),
– inventer des formes radicalement nouvelles
avec un seul choix possible. Bien sûr les trois aspects peuvent coexister dans un projet artistique unique, mais là il faut choisir.

Résultats dans l’ordre : 60% / 20% / 20%. J’ai été un peu surpris, d’après ce que je peux voir sur ma TL j’aurais dit que les artistes étaient plus nombreux à chercher à se faire liker par leur public.

3. Il y a une bonne partie de l’étude qui porte sur la révolution numérique (normal c’est dans le titre) : internet (MySpace, YouTube) et équipement home-studio. Aujourd’hui, on ajouterait probablement plein de rubriques : crowdfunding, réseaux sociaux, etc. Pas de réel scoop pour nous, ce sont les plus jeunes, les plus innovateurs et les plus miséreux qui s’investissent le plus dans la matrice. On y croit !

En revanche, pas mal de défrichage sur les questions de l’auto-production, de la politique tarifaire (morceaux gratuits, prix libre). En 2008, seuls 15% des sondés envisageaient d’abandonner le CD dans un futur proche, mais 60% se disaient favorables à la distribution de leur musique sous forme de bouquet de quelques titres plutôt que sous forme d’album. « Bouquet » ça veut dire « maxi » (pour ceux qui s’y connaissent pas trop en fleurs).
Bon, je vais pas tout recopier non plus sinon je vais encore aller en prison.

4. L’étude se conclut sur un essai de typologie en 5 catégories (par analyse de correspondances multiples, pour ceux qui s’y connaissent pas trop en fleurs) :
– les élus (5%) : archi-stars, ils sont peu impliqués dans la révolution digitale qui est en train de nous sauver la vie, le plus souvent parce qu’ils ont du staff pour ça.
– les artisans (20%) : pour simplifier, ce sont les musiciens classiques, pas nécessairement compositeurs donc. Egalement moins impliqués pour des raisons liées par exemple au style de musique en lui-même. Mangent pas que des pâtes, a priori.
– les professionnels (un peu moins de 20%) : ils s’investissent davantage que les artisans et semblent toucher à un peu tous les domaines (auto-production, home-studio…). Typiquement les musiciens de jazz/blues, on a chez Vlad quelques gars qui rentrent dans cette catégorie : « j’me débrouille tout seul, ça m’a pris un peu de temps pour créer mon réseau ou ma fanbase mais globalement je m’en sors ».
– les innovateurs (25%) : ils ont souvent un boulot complémentaire et sont les plus fortement numérisés. Ça aussi on connaît bien chez Vlad, ce sont ceux pour qui la promotion de la musique (en tant que création) est le fil directeur, devant la course aux cachets ou aux royalties. Ils sont souvent adaptes de la licence libre, du peer-to-peer, etc, tout ce qui peut aider la diffusion.
– et enfin les exclus (29%) : peu numérisés, peu actifs, ils sont par exemple en début ou fin de carrière, ou bien en transition entre deux projets, ce qui explique la baisse de régime. On retrouve un taux habituel de « attends ouais je vais le faire, on se rappelle lundi, gros bisous ».

5. Le meilleur pour la fin : deux études sont citées et m’ont l’air fortement audacieuses.
« Rosen (1981) a mis en évidence que le succès comparé de deux artistes n’est pas toujours lié de manière nette à leurs talents respectifs. »
L’étude est ici et mérite largement qu’on apprenne l’anglais (et quelques notions d’analyse). Je me demande ce qu’on y appelle le talent.
« De même, Adler (1985) a souligné que le comportement mimétique des consommateurs, via le bouche à oreille et la recherche d’une culture commune, peut parfois conduire à l’émergence de « stars » dénuées de tout talent. »

A lire ici. Une étude qui va redonner de l’espoir à tous ceux qui rêvent de réussir alors même qu’ils ignorent tout du solfège. Courage !