Pour le code de la route ou les tribunaux je sais pas trop, mais en ce qui concerne la musique, voici mon pronostic : les algorithmes tueront tout le monde, et nous serons sauvés.
Clairement aujourd’hui ce qui nous empêche d’être un peuple libre et heureux qui produit et jouit de bonne musique, c’est l’omniprésence de la musique industrielle, qui ne sert qu’à nous maintenir dans le capitalisme, aliénant nos oreilles et nos esprits dans un continuum de néant artistique, arrimé à une mémoire collective réduite aux 4 accords magiques. Je peux pas faire plus clair et si vous n’êtes pas d’accord, vous devriez lire ce blog plus souvent.
Le développement des algorithmes fascine et fait peur, depuis que le commun des mortels a à peu près compris ce qu’il était capable d’en faire. Conduire une voiture, remplir un frigo, gérer une administration, composer un morceau de musique.
Pour ce dernier exemple, il n’y a pas 4000 façons de procéder : soit l’algorithme génère un morceau de manière aléatoire – ça on sait faire depuis 20 ans au moins – soit on fait du machine learning : la machine engloutit quelques siècles de musique enregistrée, l’analyse, la décode pour en comprendre les principes et pouvoir les appliquer sur une matière nouvelle.
Et là, attention spoiler ! L’ordinateur nous sortira des perles de pop sifflotée, d’EDM, de disco-rock et de mumble rap. Pourquoi ? Parce que depuis des décennies, cette méta-musique est précisément conçue de cette même façon, même si pour l’instant ce sont encore des humains aux commandes.
Des humains qui commencent par un benchmark de leur secteur, avant de s’atteler à leur studio pour y recopier, consciemment ou non, ce qui marche déjà, revisité, restructuré, réactualisé, dans le plus pur respect de la musique commerciale éternelle.
Des humains qui ne s’autorisent que les quelques grammes de folie qui leur permettra peut-être de sortir du lot, ce lot de mp3s de 3 minutes tous identiques, à tel point que souvent c’est à sa coupe de cheveux qu’on reconnaît l’artiste.
Des humains anesthésiés, tâcherons du streaming dans une économie de l’attention qui nous propose de reconnaître la musique plutôt que de l’apprécier, et qui n’a plus d’autre choix que d’être gratuite et omniprésente pour s’immiscer dans notre estime pavlovienne.
Des humains qui, finalement, n’ont pas grand-chose de plus à proposer qu’un microprocesseur. Et dont le remplacement imminent permettra enfin à la musique industrielle sa pleine réalisation dans une abstraction et une neutralité totales. Vous pouvez en avoir un aperçu dans ces boutiques de fringues où, pour économiser la Sacem, la radio a avantageusement été remplacée par une bande-son dont on ne remarque pas l’existence, et dont tout souvenir disparaît une fois qu’on est sorti.
Les interprètes (ou leurs avatars) continueront de squatter les playlists d’ascenseur et les festivals pour enfants, comme un monde imaginaire merveilleux, peuplé de rappeurs musclés, de rebelles fragiles et de femmes vides. D’ailleurs, les festivals ressemblent déjà de plus en plus à Disneyland : il n’y est plus vraiment question de musique.
Les algorithmes prendront bientôt le pouvoir, animant tout ce petit monde de manière optimale, offrant une expérience personnalisée à moindre coût, générant des albums sur commande et des concerts en VR, dégueulant du son plus qu’il n’en faut, plus que de besoin, plus que de raison.
Quant à nous, compositeurs, shamans, chansonniers, bidouilleurs et poètes, nous serons toujours là, à chanter faux pour de vrai tout en puant la sueur et l’amour.