Revue de presse : VLAD – à 360° (Tohu-Bohu)

Retrouvez l’article original : http://www.tohubohu-media.com/vlad-a-360/

VLAD pour Vladivostok, ville russe si reculée mais aussi groupe punk herblinois défunt. A la base, VLAD gère Vladivostok. Le groupe, pas la ville ! VLAD a grossi, est devenu une SARL qui exerce à la fois comme label, tourneur et éditeur. Rencontre avec Romain, le gérant, qui aborde les facettes d’une boule dont la logique est bien le 360°.

VLAD, ça veut dire quoi ? Quelles sont les finalités de la structure ?
VLAD s’est créé sur les cendres de l’association du groupe herblinois de punk Vladivostok. La structure vise à devenir progressivement un véritable label indépendant, sachant qu’à sa création en 2010 on ne pouvait pas dire que le marché était florissant. VLAD gère surtout les droits des auteurs-compositeurs-interprètes du collectif, et fait un peu de promotion, de booking, de distribution d’imports en France et de production d’événements. Tout ce qui concourt au développement de nos esthétiques.

Crois-tu qu’une EURL soit le bon modèle pour vos activités de label et de tour ? Et si oui, pourquoi ?
Au contraire ! Notre fonctionnement a été associatif de 2004 à 2007. Ensuite, j’ai repris seul l’administratif de la structure (compta et paie des artistes). Tous les collègues sont restés auteurs-compositeurs-interprètes, comme moi d’ailleurs, mais je centralise la paperasse dont je m’occupe durant la semaine. C’est un fonctionnement de société commerciale, à but lucratif, dans le secteur artistique certes, mais nous pouvons difficilement prétendre à un autre statut. Par ailleurs, la structuration en société commerciale est la seule qui permette l’adhésion aux sociétés civiles en tant que personne morale.

La logique à 360° que tu défends prend en compte les spécificités des artistes. Peux-tu en dire plus ?
Nous avons pratiquement tous les cas de figure : l’artiste qui joue très souvent mais compose peu, le compositeur-interprète qui ne donne pas de concert, le groupe « classique » qui est un mélange des deux, l’artiste qui tient à conserver ses productions sous licence libre, l’artiste ukrainien ou serbe… Avec le temps, nous avons dû apprendre à composer avec ces différents fonctionnements, car personne ne peut créer sous la contrainte.

Quelles sont les problématiques auxquelles vous vous heurtez en ce moment ?
Nous sommes en train de structurer notre distribution numérique et physique grâce à un nouveau partenaire, dans le but de commencer à percevoir des droits sur les utilisations et ventes numériques de notre catalogue. Côté éditions, nous mettons en place notre fonctionnement pour le dépôt d’œuvres faisant usage d’œuvres existantes, pour gérer le cas des remixes.

Avez-vous une ligne artistique dans votre roaster ?
Oui, principalement les musiques du monde, sous des formes electro ou punk. Nous regroupons tout cela sous l’étiquette « ghetto-folk » : ghetto de la musique folk et folklores du ghetto.

Vous êtes aussi label. Quelle est ta vision du marché du disque fin 2014 ?
Tout en surveillant de près l’évolution de l’offre de distribution numérique et sa prise en compte par les sociétés civiles, nous continuons à produire des disques physiques en petites quantités et nous sortons notre premier vinyle début 2015. Le marché monolithique du boîtier crIstal qu’on achète en grande surface est mort, et l’offre va se morceler entre différents usages qui correspondent à autant de publics. Nous avons un public constitué à 50% de mélomanes qui vont en concert et 50% de Djs, donc nous ne pouvons négliger aucun support.
Par ailleurs, nous lançons prochainement un service de ghost-production, pour permettre à nos artistes de collaborer librement avec à peu près n’importe qui. Au-delà du marché du disque, c’est le marché de la musique enregistrée en entier qui est bouleversé. Aujourd’hui on peut être arrangeur sans être nécessairement auteur-compositeur-interprète, ou bien auteur sans être interprète, et trouver notamment grâce au net des tonnes de projets sur lesquels travailler et toucher ses droits en bonne et dûe forme. Cela demande une contractualisation solide et un peu de réseau. C’est sur quoi nous travaillons.

Vous travaillez avec des artistes internationaux. Rencontrez-vous des difficultés en termes de visa ou de circulation ?
Nous n’assurons pas le booking pour ces artistes, ou en tout cas pas encore ; simplement un peu de promotion, de distribution et des collaborations (remixes, featurings). Nous avons quelques frais de douane et de traduction mais rien d’insurmontable pour l’instant.

Vous lancez un blog en 2015 pour parler librement d’artistes avec lesquels vous ne travaillez pas. C’est dans l’idée d’être aussi un média ? Si oui, quelle complémentarité tu y vois avec vos autres activités ?
Ces derniers mois, nous avons ressenti le besoin de nous rapprocher d’autres artistes et d’autres labels participant de la même scène beats / electro world. Nous sommes par exemple membres du Global Club Music Network, un réseau international de Djs et labels. Nous voudrions pouvoir communiquer sur les sorties des collègues sans être soupçonnés de tentative de récupération. Notre scène est balbutiante, mais quelques blogs comme Tropical Bass ou CassetteBlog commencent à peser sur les playlists ; et la dernière édition des Transmusicales a fait la part belle à notre scène electro/world. Nous voudrions accompagner cette dynamique avec notre point de vue de frenchies.

Ce blog se veut aussi un moyen de « réagir librement à l’actualité sans pour autant engager nos artistes sur nos prises de position » . Peux-tu m’en dire plus ?
Il y a beaucoup de sujets sur lesquels nous aimerions pouvoir rendre compte de notre expérience sans nécessairement y impliquer Vlad et ses artistes : l’actualité des musiques enregistrées, l’évolution du marché, les problèmes de copyright en musique du monde… Et aussi des sujets plus légers que nous aimerions traiter : les tournées, les rencontres, les techniques de production…
Depuis l’arrivée du streaming et du partage de fichiers, il y a un véritable problème d’éditorialisation : on ne sait plus qui fait quoi, de quel album est extrait un titre, à quelle époque et dans quel but il a été produit… Avec ce blog, nous espérons pouvoir réexpliquer la genèse des œuvres, le contexte ou la rencontre qui les a engendrées. Le public est très friand de ces petites histoires qui rendent un morceau attachant. Sans cela, notre musique perd tout caractère et devient juste bonne à servir de bande-son à une publicité pour une banque.

Tu es basé sur Paris, la structure sur Nantes. Tu participes à de la mutualisation ou du réseau en région ?
La structure est basée à Saint-Herblain, dans cette commune péri-urbaine qui a été notre point de départ vers 2000-2001. C’est pour nous un symbole fort, car si nous avions vécu en centre ville, nous n’aurions peut-être pas fait la même musique ni les mêmes rencontres. En région, Vlad est membre de la FEPPAL (Fédération de labels en Pays de la Loire) et du Pôle de Coopération des Acteurs pour les Musiques Actuelles. Mais je vis et travaille à Paris depuis neuf ans même si je passe environ une semaine par mois dans le 44 pour répéter, composer, et jouer notamment en tant que DJ sous le nom Boris Viande. A Paris, l’approche est bien sûr différente : il y a les majors, les gros indés, les franc-tireurs… Je récupère souvent des informations utiles pour le développement et la mutualisation en région. Mais il ne faut pas perdre de vue que les acteurs et les publics ne sont pas les mêmes.

Quelle(s) vision(s) as-tu sur la région Pays de la Loire ?
Pour se structurer, il me paraît indispensable de se rapprocher des réseaux en région ; quant aux sociétés civiles (Sacem, SPPF/SCPP), c’est un choix propre à chaque projet, et il est probablement possible de s’en sortir sans. Pour notre part, nous avons fait ces choix car en ce qui concerne les membres fondateurs du collectif, nous mettons le travail d’écriture et de composition au centre du projet, plutôt que le spectacle ou le visuel par exemple.
La région Pays de la Loire est traditionnellement plus tournée vers le spectacle vivant que les musiques enregistrées : c’est donc une région idéale pour monter un label car il y a des tonnes de groupes indépendants très productifs. La musique traditionnelle est moins présente qu’en Bretagne par exemple, il y a donc beaucoup de musique originale sur laquelle on peut travailler en constituant un catalogue suivant une ligne artistique donnée.