On continue nos discussions sur la musique, oui, la musique avec cet article qui buzze un peu sur ma TL :
http://www.nytimes.com/2014/06/09/business/media/free-music-at-least-while-it-lasts.html
Article un peu fourre-tout (normal, vu la source) mais qui a le mérite de pointer 2-3 phénomènes intéressants en peu de temps, façon quidam qui survole le truc. Pause café, arrêtez d’envoyer des invites facebook à tout va, projetez-vous vers l’infini et au-delà.
1. Volontairement ou non, l’auteur confond gratuit et libre (« free » en anglais).
Utiliser Facebook ou Spotify ne coûte peut-être pas (toujours) de l’argent, mais cela coûte du temps de cerveau humain disponible. Par exemple vous vous baladez sur les pages Facebook d’artistes que vous aimez (quelle idée, déjà) et mine de rien, vous êtes interrompu dans votre lecture par des posts sponsorisés pour d’autres artistes, des soirées, des marques de casque audio. Vous n’avez rien payé mais on vous a volé 3 secondes d’attention.
Si vous n’avez pas AdBlock, après une heure de surf, vous avez ingurgité un nombre de messages publicitaires assez effrayant. Ensuite vous achèterez un casque plutôt qu’un autre parce que vous l’avez vu partout sur le net, donc tout le monde doit l’acheter, donc ça doit être un casque plein de basses. Cool !
2. Volontairement ou non, l’auteur confond composition et enregistrement (« song » en anglais).
Comme il l’explique d’ailleurs très bien, il est fort probable que les gens nés après 2000 n’envisagent jamais une chanson comme quelque chose de bloqué sur un support physique, qu’il soit vinyle, cassette, CD ou même fichier mp3. Ceci dit, même les vieux ringards comme nous conçoivent que la musique est un bien immatériel, hein. Il faut juste distinguer la composition (oeuvre de l’esprit) et l’enregistrement (produit résultant d’un processus, artisanal ou industriel, de fixation sur un support).
Ainsi, l’auteur-compositeur se rémunère via des droits d’auteur en mettant son travail à disposition d’un label qui va vendre des disques ou d’un éditeur qui va placer la musique sur un film, par exemple. L’interprète se rémunère via ses concerts, s’il en donne, ou via ses prestations studio et ses droits d’interprète. Le producteur de l’enregistrement, lui, se rémunère en vendant le support – que ce support soit du plastique ou bien une suite de 0 et de 1.
3. L’auteur souligne que les gens dépensent toujours plus pour des casques ou des places de festivals et ne paient plus pour la musique.
En fait, des casques audio ou des places de festival, c’est de la musique. C’est même plutôt de l’expérience musicale, de la musique vécue, donc de la musique dé-support-isée. Ce que les gens ne veulent plus payer c’est le principe d’un forfait fixe d’accès à cette expérience. (Notez d’ailleurs que quand vous achetez un MP3 sur iThunes, vous n’achetez pas le fichier mais le droit d’accès à ce fichier – voir ici.)
Les nouveaux consommateurs de musique sont donc toujours prêts à dépenser pour accéder aux compositions de leurs artistes favoris, simplement, la dématérialisation du support a rendu caduque le principe d’un péage pour accéder au signal électrique (généralement, une suite de 0 et de 1) véhiculant cette composition jusqu’à leurs oreilles.
4. La belle métaphore finale sur le raisin : bien matériel contre bien immatériel.
L’auteur met en évidence l’immatérialité du bien « musique » en le comparant à du raisin – il va même plus loin en expliquant qu’il le savoure d’autant plus le raisin qu’il sait qu’il a dû payer pour l’avoir. On est prêt à payer pour des tulipes ou un diamant parce que c’est plus rare que les mauvaises herbes ou le granit, du coup on trouve ça plus beau. C’est super rare donc réservé aux meilleurs, et si on y accède c’est qu’on est des chefs de meute, ouais !
Aujourd’hui, plus besoin d’argent pour accéder à de la musique en abondance. Je vais chez Super U, je fais semblant de tourner un peu en rond rayon picole et je peux écouter gratos le dernier singueule de Stromae. La seule question est : suis-je un fan de Stromae ou juste un gars qui vient chercher sa bouteille de Gros Plant ?
Allez, on vous livre en exclusivité le scoop : la dématérialisation du support ne fait et ne fera que (re-)mettre en évidence la différence entre la musique abondante et la musique qu’on aime – j’oserais dire, entre musique subie et musique choisie, pour paraphraser un ancien ministre de l’Intérieur. Spotify, c’est du Roundup pour tes oreilles.
Il fait beau, le moral est bon.